
Une expérience scénique inoubliable
Incarner un personnage comme le Marquis de la Force n'est jamais anodin. C'est plonger dans les abysses d'une âme à la fois noble et tourmentée, au cœur de l'une des œuvres les plus puissantes du répertoire lyrique : les Dialogues des Carmélites de Poulenc. La production de Rouen, sous la direction visionnaire de Tiphaine Raffier, a été une aventure artistique particulièrement marquante.
Contrairement aux mises en scène souvent épurées et sombres de cet opéra, cette version a fait le pari de la couleur, du mouvement et d'une théâtralité assumée. Une approche qui, loin de trahir l'œuvre, en a magnifié la violence latente et la tension spirituelle. En tant qu'interprète, cette vision m'a poussé à explorer une nouvelle dimension de mon personnage. Le Marquis de la Force n'est pas seulement un père accablé par la peur ; il est le symbole d'un monde aristocratique qui s'effondre, un homme dont l'autorité et la présence doivent peser sur scène, écrasantes, presque prophétiques du drame à venir.
© Caroline Doutre
La musique de Poulenc, un torrent d'émotions
Dans la fosse, la direction de Ben Glassberg était un miroir parfait de cette intensité scénique. Sa lecture de la partition était enflammée, presque orageuse, nous emportant, nous, chanteurs, et l'Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen dans une course effrénée vers l'abîme. Chaque note, chaque silence était chargé de sens et de drame. Chanter Poulenc dans ces conditions, c'est sentir la musique vibrer à travers soi, c'est laisser sa voix devenir le véhicule d'une émotion brute et complexe.
Mon rôle exigeait une projection et une présence qui devaient incarner la puissance et la fragilité du Marquis. C'était un défi fascinant de trouver cet équilibre, de faire sentir le poids de la noblesse et la fêlure de la peur paternelle, dans un dialogue constant avec la Blanche tourmentée de ma consœur Hélène Carpentier.
Cette production fut une véritable aventure humaine et artistique. Elle m'a rappelé pourquoi nous faisons ce métier : pour le frisson de la scène, pour la puissance de la musique et pour la chance de donner vie à des œuvres qui continuent, des décennies après leur création, à nous interroger sur notre propre humanité.
Prochaines représentations à Rouen, les 30 janvier, 1er et 4 février 2025. Reprise à Nancy en 2026.
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