
Plongée au Cœur d'Iphigénie : Thoas face à la Tempête de Wajdi Mouawad à l'Opéra-Comique
Amis passionnés de musique et d'art lyrique, quel bonheur immense de retrouver Gluck à l'Opéra-Comique! Mais lorsque les talents de Louis Langrée et l'imagination débordante de Wajdi Mouawad s'unissent pour revisiter Iphigénie en Tauride, on sait que la soirée promet d'être exceptionnelle. Et, croyez-moi, elle a dépassé toutes mes attentes! Cette production m'a littéralement bouleversé, tant sur le plan esthétique qu'émotionnel. En tant qu'interprète du rôle de Thoas, j'ai été plongé au cœur d'une véritable tempête, et je suis impatient de partager avec vous mes impressions, mes ressentis, et les moments forts de cette aventure.
Un Contexte Éblouissant : L'Écho Troublant du Passé et du Présent
Dès les premières notes, une atmosphère électrique envahit la salle. L'ouverture est saisissante, et la projection initiale, une sorte de fresque historique retraçant le destin tragique des Atrides, nous immerge instantanément au cœur du mythe. Mais loin d'être une simple reconstitution historique, ce prologue établit un lien poignant et terriblement actuel entre la Tauride antique et la Crimée d'aujourd'hui. Soudain, le récit prend une dimension bouleversante, une résonance tragique avec les enjeux de notre époque. Comment rester insensible?
Mouawad : Violence, Poésie et le Monolithe du Destin
Wajdi Mouawad réussit avec une intelligence rare à ancrer la tragédie dans une esthétique résolument contemporaine, tout en respectant l'essence même de l'œuvre de Gluck. La scène d'ouverture, se déroulant dans un musée, soulève des questions brûlantes sur la spoliation des œuvres d'art et la fragilité de notre héritage culturel. Puis, la barbarie originelle du mythe éclate avec une force viscérale, nous rappelant la part d'ombre qui sommeille en chacun de nous. Le monolithe imaginé par Emmanuel Clolus devient un lieu de sacrifices sanglants, de passions dévorantes, un symbole puissant de la fatalité. Et que dire des costumes d'Emmanuelle Thomas, notamment ceux des Érinyes? D'une beauté sombre et inquiétante, ils contribuent à créer une atmosphère oppressante, presque suffocante.
En tant que Thoas, j'ai particulièrement apprécié la manière dont Mouawad a exploré la complexité de mon personnage. Thoas n'est pas simplement un roi barbare sanguinaire; c'est avant tout un homme rongé par la peur, le doute et le désespoir. Un rôle passionnant à incarner!
- La Mise en Scène: Une fusion harmonieuse de classicisme et de modernité, des images saisissantes et une direction d'acteurs précise et intense.
- Le Décor: Un monolithe impressionnant symbolisant la puissance du destin et la vulnérabilité humaine.
- Les Costumes: Un travail remarquable, notamment ceux des Érinyes, incarnant culpabilité et vengeance.
Tamara Bounazou : Une Iphigénie Incandescente
Tamara Bounazou est tout simplement une révélation! Sa voix d'une pureté cristalline sublime l'émotion à vif de son personnage. Son interprétation est déchirante, notamment dans le fameux "Ô malheureuse Iphigénie!", qui m'a personnellement ému aux larmes à chaque représentation. Elle incarne le rôle avec une intensité rare, faisant d'elle une Iphigénie inoubliable.
Un Plateau Vocal d'Exception
Quel bonheur et quel honneur de partager la scène avec de tels talents!
- Theo Hoffman (Oreste): Un Oreste touchant au plus profond de l'âme, à la voix chaude et puissante. Son désespoir était palpable, presque insoutenable.
- Philippe Talbot (Pylade): Un Pylade fidèle et émouvant, bien qu'un peu en retrait dans son air "Divinité des grandes âmes".
- Jean-Fernand Setti (Thoas): Un Thoas... comment dire? Terrifiant, paraît-il! J'ai cherché à explorer la part d'ombre et de lumière de ce personnage complexe, et j'espère avoir réussi à vous faire frissonner (un peu!).
- Les Seconds Rôles: Léontine Maridat-Zimmerlin (Diane), Fanny Soyer (Prêtresse) et Lysandre Châlon (un baryton prometteur) ont complété avec brio cette distribution exceptionnelle.
Langrée et Le Consort : Une Direction Inspirée
Louis Langrée, à la tête de l'Ensemble Le Consort, insuffle à la partition une énergie et une passion absolument extraordinaires. Sa direction est précise, sensible et profondément respectueuse de l'œuvre de Gluck. On sent son engagement total dans ce projet, et cela se traduit dans chaque mesure. Un grand bravo également au chœur Les Éléments, préparé avec brio par Joël Suhubiette, pour son engagement et sa présence scénique.
En Conclusion : Un Spectacle Incontournable
Cette Iphigénie en Tauride est, à mon sens, une réussite totale. Une production audacieuse, intelligente et bouleversante qui marquera durablement les esprits. Courez-y! Et si vous le pouvez, ne manquez surtout pas les dernières représentations qui seront dirigées par le talentueux Théotime Langlois de Swarte! Vous ne le regretterez absolument pas. C'est une expérience à vivre intensément, une plongée au cœur de l'humain dans toute sa complexité et sa beauté.
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